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Le marathon

 

Le marathon, réservé à quelques meneurs entraînés, est certainement la discipline la plus spectaculaire de l'attelage, voire de l'ensemble des sports équestres. Il s'intègre dans une épreuve que l'on appelle "combiné" où l'on trouve également du dressage et de la maniabilité.

 

 

C'est sous l'impulsion du Prince Philippe, président de la Fédération Equestre Internationale dans les années 1970, que cette discipline prend sa forme actuelle. Auparavant, le marathon était une épreuve d'endurance : 42 kilomètres sans obstacle à effectuer avec de grandes et lourdes voitures. Seules deux haltes vétérinaires venaient ralentir un peu la cadence. Il fallait arriver le plus vite possible tout en économisant ses chevaux pour tenir jusqu'au bout.

C'est donc au début des années 1970 que le combiné évolue pour devenir le cousin germain du concours complet d'équitation.

Cinq phases constituent aujourd'hui le marathon qui se déroule sur trois heures :

- Au cours de la première période, l'équipage doit effectuer dix kilomètres au maximum à une allure imposée. Un temps minimum et maximum sont définis ainsi qu'une allure moyenne de 15 km/h.

- La phase B se réalise au pas sur environ mille mètres. Une moyenne de 7 km/h est exigée et des points de pénalités sont attribués en cas de dépassement de temps.

- L'étape suivante est à réaliser au trot à une vitesse de 18 km/h sur une distance de cinq kilomètres au maximum. Le temps imparti pour cette phase C est établi et les concurrents disposent d'une fourchette de deux minutes sans pénalités.

- La phase D est identique à la B.

- La dernière phase, la plus spectaculaire est précédée d'un contrôle vétérinaire qui peut conduire à éliminer certains équipages. Elle comporte huit obstacles au maximum. La vitesse moyenne sur la totalité du parcours, qui n'excède jamais plus de dix kilomètres, est de 15 km/h. En revanche, le passage des obstacles, de la porte d'entrée à la porte de sortie, est à franchir le plus rapidement et le plus correctement possible. Les obstacles, qui sont en fait une succession de portes, sont à aborder avec dextérité. Passage de gué, pont.... sont réalisés de telle sorte qu'il existe deux options pour les franchir : une lente mais dont le passage est plus facile à négocier, une rapide et spectaculaire... Les obstacles sont fixes et, pour éviter que certains meneurs peu délicats se jettent en force sur les obstacles, les portes d'entrée et de sortie sont munies d'une sorte de petite barre accrochée par du velcro. L'équipage est pénalisé à chaque chute de l'une d'entre elles. Il semble que la FEI cherche à imposer ce système sur l'ensemble des portes qui composent un obstacle.

Ces différentes phases, comme pour l'épreuve de concours complet, permettent de mettre en condition les chevaux. Pendant les phases A, B, C et D, le rythme cardiaque et le rythme respiratoire s'accélèrent. La dernière phase peut être abordée de façon optimum.

A bord de la voiture attelée à quatre, deux personnes appelées "singe" ont un rôle capital : l'une donne les temps à son meneur tout au long du parcours et l'autre aide à équilibrer la voiture. Un arbitre accompagne également chaque équipage.

Le marathon nécessite donc un entraînement long et rigoureux. Seuls des meneurs et des chevaux en parfaite condition physique peuvent pratiquer cette discipline. Il serait en effet très risqué de franchir de tels obstacles sans connaître sa résistance et celle de ses chevaux, sans être capable de sentir leur état physique "à distance". Le marathon est donc réservé à ceux qui ont la possiblité de s'entrainer régulièrement de façon correcte. "Un concours se gagne l'hiver" dit-on traditionnellement dans le milieu, c'est un travail d'endurance quotidien. En ce qui concerne l'attelage à quatre, plus de 80% des meneurs au niveau international sont des professionnels. Que les amateurs se rassurent, il est toujours possible de venir admirer les maîtres de cette discipline en se créant certaines frayeurs.

C'est au cours du passage des obstacles de marathon que se voient les incidents les plus spectaculaires, parfois de méchantes chutes - lorsqu'une voiture se retourne dans un obstacle elle encourt de plus une pénalité de 60 points - parfois des situations tragi-comiques.

 

 

Par exemple, l'année où Claude Thiriez tentait de remporter le championnat de France d'attelage à deux, ce qu'il fit d'ailleurs brillamment deux ans plus tard, voici ce qui s'est passé.
L'équipage Thiriez donc, composé de Claude et de Patricia, sa femme, remplissant le rôle de groom à l'arrière de leur voiture, entre à fond de train dans un obstacle. Une forte secousse déstabilise Patricia qui est jetée hors de la voiture et se retrouve debout sur le sable pendant que son mari, ne s'étant aperçu de rien, lance vigoureusement ses deux chevaux gris à l'assaut des portes à franchir. Ayant accompli une boucle complète, Claude aperçoit alors sa femme, en plein sur son chemin, les bras ballants. J'ai rarement vu un homme plus étonné : "Que fais-tu là ?" lui crie-t-il. "Tu vois, tu m'as larguée!" Mais comme Patricia possède au plus haut degré le sens de la compétition, elle ajoute dans le même souffle sans perdre la tête : "Continue, ne t'arrête pas ! Je remonterai à la sortie". En effet si le groom pénalise son équipage lorsqu'il met pied à terre, ce qui en l'occurence allait dénier ce jour-là une bonne place pour Claude, il suffit qu'il soit remonter avant la fin de l'obstacle pour n'être pénalisé que de 20 points au lieu de 40. Inutile de dire qu'à la vue de cette saynète les spectateurs étaient pliés en quatre !

De nombreux progrès ont été effectués dans cette discipline. Les voitures, lourdes et fragiles au début, sont devenues bien plus robustes. Pour un poids voisin des 600 kilos pour les attelages à quatre chevaux, elles sont équipées d'un timon compensé qui permet à la voiture de tourner dans la piste des chevaux évitant ainsi de couper leur trajectoire. La largeur minimum entre les roues est de 125 cm et il est rare qu'un meneur choisisse d'excéder de beaucoup cette largeur ! Les harnais également ont évolué : ils sont devenus solides et efficaces.

Les races de chevaux les plus couramment rencontrées en marathon viennent essentiellement du nord : Allemagne de l'Ouest, Hollande et également des pays d'Europe de l'Est comme la Hongrie. Ces chevaux ont gardé leur ossature de carrossier ; ils sont en général près du sang mais froids dans leur tête. D'autres races sont parfois utilisées comme l'attelage de Félix Brasseur, champion du monde en 1996, composé de quatre lusitaniens.

Nos équipages français arrivent souvent en tête des classements : Christian de Langlade a obtenu la meilleure performance française à quatre au Championnat du Monde de Waregem en 1996 ; Patrick Greffier, Gérard Dupont et Pierre Young sont médaillés d'or par équipe en Pologne en 1995 à deux chevaux.

Parmi les étrangers, citons pour les attelages à quatre, Isbrand Chardon, hollandais, champion du monde en 1988 et 1992, l'anglais George Bowman, le doyen des compétiteurs à 62 ans, les Suèdois Thomas Eriksson et Yan-Eric Pahlson, champion du monde en 1990 et Michael Freunde, allemand, champion du monde en 1994.

Plusieurs épreuves de combiné de niveau international et national sont prévues en France. Je vous invite donc à prendre note des dates auprès de la Fédération Française d'Equitation et venir découvrir ou redécouvrir cette compétition.

 

Sophie Attali

 

Publié dans le numéro 28 d'EQUUS-Les Chevaux