Le Cheval Bleu
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Palmarès Prix de l'Arc de Triomphe

 

Pour la Gloire

 

Célèbrissime, l'Arc reste encore aujourd'hui la course référence pour ceux qui adulent les pur sang. Malgré ses quatre millions de francs au vainqueur, quelque peu attendrissants face aux robinets d'or de la Dubaï World Cup, ou bien face aux trébuchantes retombées de la Breeders' Cup et de la Japan Cup.

 

 

 

Eternelle réalité que le conflit entre maquignons et poètes. Certainement même au sein de chaque passionné galope cette schizophrénie délicate, fruit d'une instable combinaison aux fragrances presque trop parfaites. Les lignes sublimes d'un pur-sang génial... Des instants de gloire et d'émotion sans équivalence... Mais, sans doute, quand même la question? Combien peut donc bien valoir ce brillant quadrupède?

Les propriétaires américains n'ont même plus l'air de se soucier de ce genre de problèmes. Et ce depuis longtemps. Pourquoi ne rêvent-ils point de l'Arc? Comme les autres. Comme nous tous.

A l'instar, précédemment, de Secretariat, d'Affirmed ou de Seattle Slew pour ne citer que les plus fameux, Touch Gold, Silver Charm et Skip Away attendront patiemment, les pieds sur le dirt, loin là-bas outre-Atlantique. N'auraient-ils vraiment aucune chance, face aux meilleurs chevaux européens, loin de leurs habitudes sportives et thérapeutiques? A moins que les Paulson, amoureux des grands défis - rappelez-vous Arazi et Cigar - ouvrent enfin la voie en présentant le bon mais à priori un peu juste Yokohama, vainqueur à l'Américaine du Prix Foy.

Heureusement, la lointaine Australie et le Japon aiment l'Arc et le prouvent. En vingt ans, les courses se sont internationalisées d'extraordinaire façon. Certains grands étalons voyagent autour du monde, réalisant deux saisons de monte et les ventes de yearlings vibrent aux trépidations d'une Tour de Babel, chaque année plus colorée et disparate.

 

Peintre Célèbre

 

 

Il y a vingt ans, les émirs prirent le pouvoir - d'ailleurs, à ce sujet The Godolphin Arabian est mort de rire (cf. La Mémoire du Cheval Arabe - EQUUS numéro 24) - , mais dans leur foulée, au Soleil Levant, les éleveurs commencèrent à acheter tout ce qui se faisait de mieux en matière de pur-sang, des plus grands performers aux poulinières issues des familles les plus célèbres.

Ces dernières années, le phénomène s'est encore amplifié. Ainsi, le merveilleux américain Sunday Silence, le tourbillon du désert Lammtarra acheté trente millions de dollars, d'autres Derby-winners tel Commander In Chief, le formidable Arcangues unique triomphateur européen du Breeders' Cup Classic ont rejoint l'Extrême Orient, accompagnés de championnes telle Carling, dernièrement, ou de matrones au sang noble.

Le protectionnisme au Japon étant tel, il fallut attendre les premières Japan Cup pour étalonner les meilleurs performers du pays dans le grand concert mondial.

Et, Legacy World battit Kotashaan, tout auréolé de sa Breeders' Cup ... dans les cent derniers mètres.

Et, l'an passé, la toute bonne Fabulous La Fouine épingla Hélissio avant de ne trouver que le nez de Singspiel, un peu plus long que le sien, au passage du poteau.

1997, l'événement tant attendu depuis les débuts de cette stratégie!

Pour la première fois, le Japon nous délègue son Cheval de l'Année celui de 1996, au départ de l'Arc de Triomphe: Sakura Laurel, un fils de l'immense étalon Rainbow Quest, celui-là même qui priva Sagace d'un deuxième Arc en 1986, et de Lola Lola qui, en son temps, disputa le Prix de Diane.

L'entourage de Sakura Laurel rêve de notre incontournable rendez-vous culturel et traditionnel et n'a pas peur de le dire. Ainsi, cette jolie déclaration de l'entraîneur Futoshi Kojima, lue dans les colonnes du "Turf": "Toute ma vie, j'ai caressé deux espoirs : remporter le Derby japonais et le Prix de l'Arc de Triomphe. J'ai réalisé le premier à deux reprises. Maintenant, humblement, je vais essayer, avec Laurel de réaliser mon deuxième grand rêve."

Cela étant dit, quelle que ce soit la performance de Sakura Laurel face à Hélissio et Peintre Célèbre, il faudrait être particulièrement chauvin, voire aveugle pour considérer la tentative de Sakura Laurel comme purement anecdotique.

Passionnante première! Appel des témoins et des souvenirs. Les années se balancent sur
une passerelle sereine et émouvante; Laurel est un bel alezan brûlé comme l'était Sea Bird, le cheval du siècle.
Bienvenue.

 

Hélissio

 

Pour l'Australie, Nothin' Leica Dane espère faire encore mieux que le très bon Strawberry Road qui, un instant, pris l'avantage dans l'Arc de Sagace. A l'image de Sakura Laurel, l'Arc est son objectif. Pour cela, les deux grands voyageurs arriveront, frais, le premier dimanche d'octobre, n'ayant quasiment pas couru de l'année.

Mais, le moins que l'on puisse dire, est qu'ils n'ont pas choisi une année facile. A l'approche de l'An 2000, il semblerait que le marché des étalons se soit assaini par rapport à la folie des années 80. Pour notre plus grand plaisir puisque les carrières des meilleurs se rallongent très sensiblement. Cela nous promet des combats fabuleux où les prodiges se retrouvent dans les quelques très rares immenses courses du calendrier international.

Trois semaines avant l'Arc, le lot s'annonce, cette année, extraordinaire. A priori, l'un des plus beaux de l'histoire de la course. Au départ, deux jets impériaux : Hélissio et Peintre Célèbre et une pléiade d'avions de très haut-vol avec comme leaders Pilsudski et Swain. Pour que l'émotion puisse atteindre son paroxysme, il ne nous reste plus qu'à espérer, également au départ, la malchanceuse - ou un peu juste, cette année?- Bosra Sham, le vainqueur du Derby d'Epsom Benny The Dip, le très froid mais excellent grisou Silver Patriarch, la toute bonne jument anglaise My Emma, désormais très aguerrie et venant de prendre facilement la mesure de la gagnante des Oaks Reams Of Verse, le brillant triomphateur du Derby d'Irlande Desert King, ainsi que quelques dauphins talentueux tels Rajpoute, la tendre Queen Maud ou bien encore le délicat Shantou.

Début octobre, ils seront tous là sauf, semble-t'il, Singspiel.

 

Singspiel

 

Singspiel, l'abandon, la tentation du dollar. Si Singspiel s'inscrit également dans l'histoire comme le triomphateur du Breeders' Cup Classic, reprochera t'on à Singspiel de n'avoir pas couru l'Arc ou à l'Arc de n'avoir pas su attirer Singspiel? Etrange dilemme.

Si effectivement Singspiel décline la lutte, c'est peut être aussi que les Maktoum ont peur d'un terrain souple ou qu'ils l'estiment moins tenace que Swain au terme d'une course dure et rondement menée comme devrait l'être l'Arc 1997. Les pathétiques derniers 200 mètres des King George, où les quatre meilleurs chevaux d'âge au monde apparurent scotchés dans la glu d'Ascot, sembleraient l'indiquer.

Ce jour-là, Swain fut le courage et la rectitude d'âme, faits cheval. Swain donne gracieusement. C'est un phare gentil, serein et généreux. Je le sais : je l'ai vu se faire enlever ses dents de lait....

Et Swain, troisième de l'Arc de Lammtarra, puis quatrième de celui d'Hélissio, battit Pilsudski, lointain second de l'Arc 96 puis vainqueur du Breeders' Cup Turf, des Eclipse Stakes et des Irish Champion Stakes, Hélissio et le richissime Singspiel, meilleur globe-trotter au monde car triomphateur, notamment, de la Japan Cup et de la seconde Dubaï World Cup en plus de grands succès anglais dans la Coronation Cup et les Juddmonte International Stakes.

 

Pilsudski

 

Swain ravivait ainsi le souffle de l'Invisible (cf. Equus numéro 25), le souvenir délicat de Lammtarra que la victoire d'Hélissio dans l'Arc 96 avait balayé.

Aux noms d'Hélissio et de Peintre Célèbre, la planète courses entre en ébullition. Ainsi, aux dernières ventes de Deauville, deux bébés chevaux ont défrayé la chronique en faisant tourner la tête des grands hommes. 3 100 000 FrF pour un fils de Fairy King, le père d'Hélissio et 2 800 000 FrF pour une fille de Nureyev, le père de Peintre Célèbre.

Sur la prodigieuse piste aux mémoires, leur aïeul commun, l'étalon du siècle Northern Dancer n'en finit plus de hennir.

Mais, combien donc pouvait bien valoir cet étonnant quadrupède?

Tel son souvenir actuel, Monsieur, il était inestimable.

Comme un Van Gogh! Le grand crack, le grand étalon est une création artistique géniale.

A ma question: "si Northern Dancer peut faire penser à Van Gogh, à quel peintre associeriez-vous Peintre Célèbre?" Monsieur Daniel Wildenstein répondit, dans un sourire : "A Claude Monet. Peintre Célèbre est un pur classique".

Sous le soleil de juin, Peintre Célèbre sut parfaitement apprivoiser la lumière et nous offrit, alors, les meilleures impressions. Doué de cette fameuse époustouflante accélération qui est le propre du crack, le superbe alezan a enthousiasmé, même les plus difficiles, dans le Prix du Jockey-Club avant de confirmer facilement dans le Grand Prix de Paris. Exceptionnel, Peintre Célèbre l'est assurément. Tout comme son aîné Hélissio qui, l'an dernier se balada pour remporter son premier Arc.

Dans la gloire, ils sont six. Six à avoir réalisé le plus fantastique exploit qu'un pur-sang puisse offrir à ses compagnons à deux jambes : le doublé dans l'Arc de Triomphe. Leurs noms : Ksar, Motrico, Corrida, Tantième, Ribot et Alleged.

Alors, fonce Hélissio, ne te préoccupe pas des autres, ne te laisse pas contrarier dans ton immense action. Vas-y! Pour la gloire. Fonce Hélissio, sur les traces des plus grands. Dans la sauvegarde de la tradition et le refuge des poètes.

Le match Hélissio-Peintre Célèbre, un des plus beaux défis dans l'histoire des courses!

Maintenant, espérons juste que la réalité épouse le fantasme. Alors, si seulement ces quelques lignes pouvaient être prédiction : Hélissio galope, libre à la corde, dans la fausse ligne droite, flanqué de Peintre Célèbre, libre également, et peut être de Swain et de Pilsudski ...

 

Vincent Le Roy

 

 

Publié dans le numéro 30 d'EQUUS - Les Chevaux.
Photo : A.P.R.H. - Texte :

 

Ndlr : Et l'Arc 1997 se courut comme dans un rêve, avec le triomphe d'un immense crack PEINTRE CELEBRE. Ses dauphins Pilsudski et Borgia prouvèrent ensuite, s'il en était encore besoin, par leurs performances - Champion Stakes et Japan Cup pour Pilsudski et 2ème place du Breeders' Cup Turf pour Borgia - que le fils de Nureyev était bien le meilleur cheval au monde.
L'un des cracks du siècle.


Pour le Japon, ce n'est sans doute que partie remise : Sakura Laurel, blessé, ne put prendre le départ.